Je réponds à Kradukman sur cette question et je poursuis dans le sujet du topic (qui comme le dit Jay est une comparaison entre deux façons de jouer, j'en propose plus ou moins une troisième)Kradukman a écrit:
Si je fais un parallèle avec l'écriture de scénario, je dirais que le scénario, c'est un feeling. On l'a ou pas. Et toutes les théorisations et machins possibles ne peuvent que t'aider pour te sortir d'une impasse.
J'ai essayé d'appliquer les méthodes de Roth et de Truby dans l'écriture. Au final, ça me faisait chier. Par contre, quand j'étais en train d'écrire et que je bloquais, penser à tous ces éléments d'analyse (parce que c'est plus des éléments d'analyse que pratique) m'aidait à avancer dans l'histoire et comprendre mes personnages (quitte à devoir réécrire une partie).
Ici, on parle de jeu. Vous, vous voudriez qu'on file un texte à un mec et qu'en citant machin et bidule, il joue mieux. Je suis franchement pas d'accord. T'as pas besoin d'avoir lu machin et bidule pour être un bon acteur. Une fois de plus, pour moi, ça, c'est de la bra*lette intellectuelle qui ne peut servir que dans une impasse ou dans le cas d'analyse. (j'ai lu des énormités dans des analyses de textes ou de films et je reste persuadé que les auteurs ont fait ça pour l'esthétique et pas pour les raisons avancées par les analystes).
Comme tu le dis, tu n'as pas besoin d'ouvrages théoriques pour être bon acteur, sauf lorsque tu te trouves dans l'impasse. Alors certes l'ouvrage de Jean Dupont, critique théâtral de je-ne-sais-où n'est peut-être pas digne d'intérêt pour ce qu'on cherche à faire, mais en revanche, les bouquins théoriques tels que ceux de Stanislavski ou d'Artaud (pour prendre un exemple théâtral mais qui s'applique plus largement aux autres domaines) sont extrêmement utiles, qui plus est, ils sont rédigés de manière originale (La Formation de l'Acteur par exemple est écrit sous forme de journal fictif tenu par un comédien) ... C'est pas pour rien qu'on doit bouffer ce genre de livre quand on est comédien, parce que justement ce n'est pas du blabla théorique, mais bien des faits concrets.
Kradukman a écrit:
Si vous voulez réellement que tout ceci soit applicable, l'enregistrement ne pourrait plus se faire en une demi-heure comme on fait actuellement mais en plusieurs semaine. L'acteur devrait passer beaucoup plus de temps pour comprendre le personnage et chaque scénariste devrait écrire un background complet des persos (et scénariste et réal devront bosser pour construire chaque sphère d'ambiance). Ensuite, le réal bosserait avec l'acteur en compagnie du scénariste pour rendre le tout crédible. Mais là, on est à un autre niveau et on n'a pas le temps.
Bah, l'idée c'est d'amener quelque chose de ce qui se fait en milieu pro, de s'intéresser un peu aux méthodes et de voir s'il est faisable et profitable d'en amener des bribes dans le monde de la réa sagasphérique.
Kradukman a écrit:
Alors soit on donne de rapide tricks and tips applicables et qui ont fait leurs preuves (et au fur et à mesure, on expérimente), soit on clashe de la théorie juste imbuvable (comme on fait sur pas mal de topics).
Je rappelle que l'acting et la saga mp3, c'est des trucs purement empirique. Et vu qu'on est loin des sciences exact, c'est impossible à théoriser. Même vos théories là, c'est des tricks qu'on peut adapter ou pas. Et là, vous le rédiger de manière pompeuse (pardonne-moi le terme, je pense qu'il est mal choisi) de telle sorte que seuls quelques rares intéressés liront plus loin.
Sur ce point je suis d'accord. La discussion a tourné un peu en débat d'idées, donc j'ai sorti un peu les références que j'avais en tête, sans faire suffisamment attention aux lecteurs. Donc je propose de clarifier un peu les idées de mon précédent post.
En gros :
Citer:
Le propre de l'acteur est principiellement dans la désincarnation, ou plutôt la désadhésion. Quand on est acteur, il y a l'idée d'effacement, de laisser le texte et le langage nous investir et parler à travers nous, ce qui correspond à la conception de l'acteur-marionnette.
Quand vous jouez vraiment, vous n'êtes plus personne, pas même le personnage. Vous êtes un corps vide qui véhicule le texte. Pour cela, il faut être dans une grande concentration, presque proche de la méditation. Pour la partie pratique, il n'est pas question de faire du yoga ou quoi que ce soit de ce genre, moi ce que je fais, c'est que j'apprends au possible et au préalable mon texte, puis je m'allonge sur mon lit et je ne pense à rien, pas même à mon texte ou à mon personnage. Je me concentre par exemple sur ma respiration. J'attends aussi longtemps qu'il faut, jusqu'à ce que je me sente "prêt". Puis, je me lève, je vais jusqu'au micro et j'enregistre tout ce que doit dire mon personnage d'une traite. En général dans ces cas là, j'ai rarement besoin de faire plusieurs prises pour chaque phrase.
Citer:
On doit en tant qu'acteur à la fois se jeter dans le travail sans aucune espérance, ni aucune attente particulière, juste avec le comportement têtu et obtus que peut avoir un animal, dans le sens où il éloigne de toute sphère psychologique et nous inscrit dans le concret, sans préméditation (préméditation qui est souvent à l'origine de ce qu'on appelle le jeu mécanique auquel personne ne croit), et à la fois rester ouvert et disponible à la contingence et le caractère unique du moment où il joue, où tout peut se produire, ce avec quoi il doit pouvoir jouer.
C'est surtout pour le jeu collectif, quand vous bossez sur Skype par exemple. Pour que le jeu collectif puisse être gratifiant, il faut tenir compte de deux aspects : Le cadre que vous vous établissez pour telle scène ou tel personnage, et à l'intérieur de ce cadre les possibilités que vous avez pour moduler. A plusieurs, il faut pouvoir à la fois être à fond dans la perspective de base et à la fois pouvoir proposer quelque chose de nouveau au(x) partenaire(s).
Concrètement, ça veut dire que si je joue un malade mental et mon partenaire un médecin psychiatrique, pour prendre un exemple fort, il faut que je suive à la fois l'essentiel de mon perso (ce qu'il veut dire, ce qu'il cherche, etc.) et à la fois que je puisse moduler entre le fou furieux qui hurle et l'introverti qui reste calme mais n'en est pas moins effrayant, en voyant comment réagit le médecin. Il faut envisager toutes les possibilités qui ne contredisent pas le sens de ce que dit et fait mon perso.
Citer:
Néanmoins, on peut retenir quelque chose de cela, c'est que le jeu d'acteur comprend une dimension de spontanéité, d'immédiateté*, mais aussi de détermination, de "jusqu'au-boutisme" (c'est-à-dire d'aller épuiser une proposition de jeu qu'on fait pour tel personnage par exemple, d'aller aussi loin que possible) ce qui implique une grande concentration.
Petite synthèse de ce que je dis précédemment. La spontanéité et l'immédiateté correspondent au fait d'enregistrer tout de suite, sans préparation. Il faut être dans l'état de concentration nécessaire pour pouvoir directement faire une prise. La plupart du temps dans ces cas là, la première prise est la meilleure parce qu'elle est désintéressée. Les suivantes sont plutôt des tentatives pour imiter ce qu'on a fait avant et elles ne marchent pas toujours. Pour cela, il faut connaître son texte au possible.
La détermination et ce que j'appelle le "jusqu'au-boutisme", c'est d'être "têtu" et d'épuiser les propositions qu'on fait. Votre personnage est un malade mental furieux ? Hurlez, vociférez, gesticulez impulsivement, prenez une chaise et balancez là par terre si nécessaire mais faites en sorte que votre fou le soit jusqu'au bout.
Pensez à baisser le gain quand même.Voilà
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